Taillanderie

Rareté élevée
Absence de diplôme ou certification
Absence de formation
Faible nombre de détenteurs
Métal
Hache en cours de formage, posée sur une enclume, le fer rougeoyant
Le taillandier est un forgeron qui fabrique des outils aratoires et taillants grâce à une grande maîtrise du feu. Ce métier de tradition comprend différentes spécialités telles que les taillandiers en œuvres blanches, qui fabriquent les outils coupants, et les taillandiers grossiers, qui axent leur fabrication sur du gros outillage.

Description du savoir-faire

  • La fabrication d'outils tranchants est attesté dès l'âge du Fer, mais c'est à la fin du Moyen-Âge, que la distinction entre forgeron et taillandier est reconnue. Au XVIe siècle, les professionnels sont désignés par le terme de "taillandier-ferblantier".
    Ensuite, la taillanderie a connu une phase très prospère au début du XIXe siècle avec un foyer important dans la région savoyarde. Elle est exercée dans des petits ateliers, souvent en lien avec les économies rurales. Les ateliers fonctionnent alors au charbon et à l'énergie hydraulique. A la fin du XIXe siècle, certains ateliers de taillanderie se transforment en activité semi-industrielle. Pourtant, dès le début du XXe siècle, notamment après la Première Guerre Mondiale, la pratique du métier diminue, en raison de la mécanisation de plus en plus importante de l'agriculture et de l'essor de l'industrialisation. Ce n'est qu' au début des années 2000, que le savoir-faire connaît un regain d'intérêt.
    Source : Colette Hasne, "La taillanderie en France. Étude d'un groupe professionnel en construction", mémoire de recherche, 2024-2025, Sciences-Po Toulouse.

  • Le savoir-faire de taillanderie est un savoir-faire spécifique de la forge artisanale qui consiste à fabriquer des outils à main taillants ou tranchants en travaillant du fer et de l’acier à chaud.
    C’est un métier manuel et de pratique qui s’inscrit dans un univers de connaissances et du travail des métaux ferreux essentiellement. 
    Le taillandier propose, sur commande ou en mini-série, des outils taillants destinés aux travaux de différents métiers et matières (travail de la terre, du bois, de la pierre, etc) mais aussi des outils de frappe ou percussion (comme masse, marteaux, massette…) en passant par des outils d’assistance (des outils qui aideront à fabriquer un outil ...).
    Le travail peut se faire seul à l’aide d’outils d’assistance (marteau-pilon par exemple) ou à plusieurs personnes (frappe à la masse par exemple). Le travail à plusieurs peut s’inscrire dans le cadre d’un projet collectif. 
    En plus de la fabrication d’outils neufs, le taillandier peut également restaurer des outils anciens qui constituent pour lui de précieux supports d’informations et de transmission sur les modes et procédés de fabrication de ces derniers.

  • Le taillandier doit maîtriser  les trois facteurs de l'outil : le choix de l'acier, sa géométrie, ses traitements thermiques.
    Par l’assemblage judicieux du fer et de l’acier, le taillandier insère dans une ébauche d’outil en fer une « mise », pièce d’acier à 0,45% de carbone préalablement débarrassée de l’oxyde par polissage (au grain 60) de manière que la soudure se fasse dans les meilleures conditions. La soudure de l’acier est le moment le plus important de la fabrication de l’outil car dépendra de cette opération le résultat de la bonne qualité de l’outil.

    Tenu par une pince, l’ébauche ou le lopin est placé dans un foyer de forge aménagé pour ce travail et monte progressivement en température. Arrivé à la couleur jaune orangé (1050°C), il est retiré du foyer et roulé sur toutes les faces dans du sablon blanc (silice) et replacé dans le foyer. Sous l’action de la chaleur, la pellicule de sablon se liquéfie et entraîne l’oxyde mettant le métal à nu tout en le protégeant de l’oxydation. Cette opération de sablage est répétée une ou deux fois jusqu’à la température de 1300°C. A cet instant tout doit être fait avec rapidité et précision, car le temps de soudure qui se fait par le martelage est limité en secondes si tôt que l’on sort la pièce à souder du foyer de forge.

    L’ébauche est placée sur l’enclume et martelée rapidement, d’abord sur la face coté de l’acier puis sur les champs et dessous (en contre forgeant). Les premiers coups de marteau sont rapides mais modérés en puissance pour ne pas détériorer l’acier qui est fragile à haute température, et au fur et à mesure de plus en plus fort. L’on procédera de la même manière au martinet ou au marteau pilon. 
    Une deuxième chauffe identique est reproduite pour parfaire la soudure et étirer la pièce pour préparer la prochaine phase de travail.

    L’ébauche aciérée est ensuite mise à sa cote définitive (et devient outil) par martelage mécanique (on appelle cette phase de travail le battage). Ce déplacement important de la matière nécessite technique et méthode pour arriver à la symétrie de l’outil. Il faut ensuite réchauffer un certain nombre de fois la pièce car perdant de l’épaisseur du fait de l’allongement et de l’écartement, le refroidissement est de plus en plus rapide. On progresse par zone, tout d’abord le taillant, puis le haut de l’outil avec dans certains cas le façonnage d’une arrête centrale pour renforcer l’outil à cet endroit. Puis, le milieu reliant le taillant au haut en partant du centre vers l’extérieur progressivement, et de chaque côté de manière à donner à l’outil une forme régulière et définitive. On réchauffe une fois encore l’ensemble à rouge sombre, en laissant refroidir tranquillement afin que le métal se détende. Le bout du taillant est rogné par cisaillage.

    L’outil est ensuite mis en forme, partie de l’emmanchement et corps de l’outil, ce travail de martelage est manuel. Tout le pourtour de l’outil est meulé et ébavuré de manière à corriger les imperfections du forgeage, le taillant affûté. La partie intérieure devant recevoir le manche est chanfreinée pour faciliter l’emmanchage et la bonne tenue du manche pendant le travail de l’outil. Puis on effectue la trempe de la partie aciérée de l’outil qui est chauffée d’une façon uniforme entre 650°C et 700°C et refroidie dans un bain d’eau froide d’un seul coup par immersion complète de l’outil. La partie aciérée trempée est complètement blanchie par un meulage (grain 60) non appuyé pour ne pas chauffer le traitant.

    Puis on procède au revenu de trempe en se servant des couleurs du spectre thermique : soit  à la forge avec du coke ou du charbon de forge ne dégageant plus de fumée, l’outil est placé par l’arrière de la partie aciérée sur la zone chauffante de la forge, et il est déplacé de gauche à droite, et vis et versa, jusqu’à temps que la couleur bleue (330°C) apparaisse sous la forme d’une ligne régulière sur le haut de la partie aciérée. Soit sur une rampe de chalumeau (AC-OX) avec des becs de 15 litres montés en série. A ce moment, on saisit l’outil avec une pince, et en le retournant par un tête à queue, on passe toute la partie aciérée au dessus de la flamme de forge douce pour obtenir la couleur jaune paille (220°C) c’est la partie la plus délicate du revenu, puisque c’est la première couleur visuelle et uniforme qu’il faut obtenir sur toute la partie aciérée. On profite de la chaleur du revenu pour remettre en forme cette zone de l’outil qui s’est plus ou moins déformée à la fin du refroidissement de la trempe.

    Ce travail est délicat car il se fait par martelage pour ne pas briser l’acier qui se trouve dans cette partie de l’outil à remettre en forme.

Environnement économique

    Avec l’avènement de l’industrialisation et la normalisation des machines, le métier de taillandier a presque totalement disparu au cours du XXème siècle. Le métier comporte un fort potentiel et connaît de nos jours un regain d'intérêt. Permettant une grande variété d'outils, beaucoup de corps de métiers font appel à des taillandiers pour trouver des outils professionnels de qualité qui ne se trouvent pas dans le commerce. Cependant l’activité reste menacée par la disparition de certains métaux qui, en raison d’une faible demande, ne sont plus produits par les aciéries. Sur le marché des outils taillants, le taillandier se démarque par la spécificité de sa production. Les outils qu’il propose sont forgés à la main ce qui leur confère une solidité et une qualité de coupe sans équivalent. Travaillant de façon artisanale et en petite série, il est capable de faire réapparaître des modèles régionaux, qui sont attachés à un territoire et ancrés dans les traditions des productions agricoles ou artisanales locales. Il peut produire des outils, de coupe ou de frappe, spécifiques à certains métiers artisanaux et qui n’existent plus sur le marché, ou reproduire d’anciens outils abîmés. Le métier participe ainsi à la sauvegarde d’un patrimoine. Le taillandier peut également créer et fabriquer de nouveaux outils. Il est en mesure de répondre à des demandes de réalisation d’outils uniques ou de prototypes, soit pour des cas particuliers liés à l’ergonomie, soit pour de nouvelles applications se développant dans le domaine artisanal ou dans le domaine industriel.

Formation

    Il n’existe aucune formation spécifique pour le métier de taillandier. Des formations courtes d'initiation sont possibles auprès des professionnels.

Illustrations